Cette photo des archives de Brest diffusée récemment sur Facebook me touche, pour plusieurs raisons.
Elle est datée de septembre 1991, le 18 exactement, c’est-à-dire à quelques jours ou semaines près le moment où j’ai fait mon entrée en tant qu’étudiant dans la grande cité de béton. À cette époque je ne connaissais pas ce côté de la ville : j’habitais rue Brossolette, sur l’autre rive de la Penfeld, à « Brest même ».
Mais moins de deux ans plus tard, en mai 93, le lendemain de mes 20 ans, j’ai assisté au sacre européen de l’OM dans un logement qui se trouvait juste au-dessus du garage Peugeot-Talbot que l’on voit au fond, dans le virage. J’en ai un souvenir factuel, très vague, parce qu’il n’y avait aucun affect concernant l’événement, surtout pas du côté de mes hôtes, deux cousins de Douarn qui se foutaient du foot – l’un des deux a piqué une tête fatale dans le port de co’ peu de temps après.
Ce carrefour, j’ai appris à le connaître bien plus tard, à partir de 2006, quand on a aménagé à Mesdoun. En remontant à droite au feu sur la photo on est à Kerangoff où certains de mes enfants ont fait leur primaire à Diwan. À gauche, j’ai mis du temps à découvrir que le cimetière de Recouvrance offrait une des plus belles vues sur Brest. En face le Caboulot a encore une enseigne de bière, mais n’a pas l’air plus en activité qu’aujourd’hui – ce troquet qui, selon une légende urbaine, a accueilli un ange noir, Vince Taylor. Plus bas, en redescendant la côte du grand Turc, après le garage dont je parlais et qui s’est spécialisé ensuite dans la vente discount de pneu comme semble l’annoncer la pub en haut à droite, il y avait le dancing des anciens, le « Petit Jardin » d’après-guerre, où venait danser paraît-il la grand-mère polonaise de ma femme. Ce qui me fait penser à ça, c’est la tignasse de la vieille dame à droite du feu rouge au premier plan qui ressemble un peu à celle de l’ancêtre de ma belle-famille.
A propos de feu, que dire de ce couple d’ados qui se bécotent sous le panneau Recouvrance, ou de l’autre pub garantissant de la douceur à propos d’un fromage, visuel chaud dans un contexte … disons neutre pour ne pas dire hostile … ?
Mais la vérité : cette photo me touche parce que demain, enfin tout à l’heure, je vais prendre la route pour installer mon dernier enfant là où il va poursuivre ses études, loin de ses darons, et de Brest.