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Get back, Let it be …
Des chansons qui ont toujours été posées là comme des évidences.
En humain ordinaire, j’ai eu mon moment Beatles, et puis ça m’a passé ; mais ils faisaient déjà partie de ma vie avant que je m’y intéresse.
Toujours étonnant de constater comme le quatuor, même si on n’est pas anglais, même si on n’est pas fan, semble proche, au sens affectif – d’ailleurs le premier choc du doc-fleuve est d’avoir l’impression de franchir à rebours un demi-siècle et de ranimer des scènes figées dans des photos de famille.
Puissance du broadcasting anglo-saxon, puissance surtout des créations de ces quatre-là : combien d’artistes font carrière sur une chanson-culte, ils en ont fait des dizaines.
Le fonctionnement de la machine Beatles, source supposée intarissable de tubes semblant couler de source, est ici dévoilée de l’intérieur. Le principal intérêt du film est de montrer – en ne faisant surtout pas l’économie des discussions ineptes, des ressassements nauséeux, des craquages et des temps vraiment morts qui en sont le terreau – la création en train de se produire : comment ça surgit de la guitare et de la voix de McCartney qui cherche, tête baissée, comme un forcené ; il gratte, il gratte, il fredonne, il bourdonne, travaille une matière encore informe et soudain … “get back !”
éclosion, mystère, magie
comment la musique s’affine à travers l’élaboration des paroles, dans un délirant ping-pong entre Lennon et McCartney.
Faux-béotien mais vraiment béat, je découvre la qualité de leurs voix, leur érudition et leur intelligence musicale, jusqu’à l’apothéose du dernier acte “on the roof”
ça valait le coup de se taper les longueurs dans l’étrange couveuse de Twickenham, puis lors du rodage un peu cabot de Savile Row
où ça construisait, déconstruisait, reconstruisait, redéconstruisait
pour en arriver là : un live bricolé, doublement perché, saisissant de présence et de virtuosité, d’autant plus qu’il est capté au sein d’un quartier et d’une société londonienne dans son jus, plus proche de 58 que de mai 68.
Et puis ils finissent le travail en studio le lendemain, morcelé dans le générique-rideau de fin
Grosse émotion, bien joué.
Bref, à voir et à entendre.

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Paty et moi

Tout à l’heure cela fera une semaine qu’un collègue de mon âge a été décapité à la sortie de son établissement, à l’orée de ces vacances d’automne sur lesquelles plane le souvenir des morts intimes.
Ce meurtre me secoue en profondeur, et j’éprouve le besoin, comme beaucoup d’autres personnes, de parler, non pas de dialoguer, mais de témoigner, publiquement.
Les réseaux sociaux permettent cela, alors allons-y.
Mercredi soir j’ai entendu Macron prononcer ces mots : «Nous avons tous ancré dans nos cœurs, dans nos mémoires le souvenir d’un professeur qui a changé le cours de notre existence. »

Pas moi.

En tant qu’élève, du primaire à la fac, j’ai eu en face de moi des gens qui faisaient plus ou moins bien leur métier, certain-e-s avec un enthousiasme communicatif, d’autres par-dessus la jambe. J’ai eu aussi un certain nombre de boulets, de casseroles, dont quelques cas pathologiques ; des êtres brisés ou des personnalités nocives, qui n’auraient jamais dû se trouver devant des élèves.
En bon branleur, j’ai eu, notamment au lycée, un profond mépris pour le corps enseignant, et je me jurais alors que jamais je n’en ferais partie.
Et puis le temps a passé, il a bien fallu trouver un métier, et il m’est apparu que c’était finalement une manière pas si conne de gagner sa vie. Je n’ai donc pas fait ce choix par vocation, mais pas par défaut non plus : je faisais des études de lettres, et ça, ce n’était pas du tout par hasard ; l’enseignement en était comme un prolongement naturel, qui laissait ouvert le champ des possibles. Et puis dans un coin de ma tête, dans mes moments d’exaltation, j’avais – j’ai encore – l’ambition de me rapprocher de l’image du prof que j’aurais aimé avoir.

Je passerai sur la formation subie à ce qu’on appelait alors l’IUFM, je l’ai perçue comme une humiliation. Après une année de titularisation au lycée de Kerichen en 98-99, j’ai été affecté au collège du château à Morlaix, ce qui a permis à Véronique de revenir de Normandie, en faisant jouer le rapprochement de conjoints. Pendant 9 ans j’ai fait l’aller-retour entre Brest et Morlaix, le plus souvent en train. Ce furent les années d’un double apprentissage, de prof et de père.
J’ai alors découvert ce qu’aucun institut de formation ne peut apprendre, et ce que ne peut comprendre quelqu’un qui n’a pas enseigné : ce que signifie vraiment être devant une classe ; être un adulte prétendument responsable, dépositaire d’un savoir et en charge de le transmettre à un groupe d’adolescents. Sur le plan personnel, je peux le définir ainsi : c’est remettre en jeu, à chaque heure de cours, l’estime de soi.

Encore aujourd’hui, avant la plupart des cours, j’ai le trac. Être à la hauteur des attentes, à la bonne distance, avoir les mots justes, ne pas se laisser déborder…

J’ai découvert les risques du métier, les phases de découragement, de perte de sens, d’impuissance, de fragilité dangereuse, de tentation du recours à la violence, mais aussi ces moments de grâce où l’on sent qu’une forme de communion s’instaure avec une classe et qu’on est en train de faire passer quelque chose d’important, et dans ces cas-là, oui, c’est vrai que c’est peut-être le plus beau métier du monde.
C’est ainsi que je suis devenu prof. Il m’a fallu du temps pour l’accepter, et le temps use. La routine des sonneries, du calendrier scolaire… La succession des réformes de plus en plus structurelles, à l’alibi pédagogique toujours plus discutable… Le tout dans une société en pleine crise de valeurs, de repères, livrée au rouleau compresseur du libéralisme globalisé. J’ai vu partir la génération précédente en me disant qu’elle avait exercé dans un certain confort, que la profession avait mangé son pain blanc.

En 2009, j’ai obtenu ma mutation à Brest, au collège Anna Marly où je suis encore. A cette époque j’ai décidé de consacrer une partie de mon temps de service à former des collègues aux outils informatiques. L’idée était de varier les pratiques, de les actualiser, de se renouveler ; cette expérience m’a surtout permis d’observer de manière très concrète le processus sous-jacent mis en œuvre pour gérer la pénurie et faire des profits, en ouvrant l’éducation au marché.

Il y a quelques années, au bord de la rupture, j’ai opté pour un temps partiel afin d’en dégager, du temps, pour d’autres activités qui m’ont permis d’oser enfin franchir le pas de l’écriture.
Depuis j’ai trouvé un certain équilibre qui me permet de me rendre avec plaisir, du moins sans réticence, au collège, conscient de ce que je peux apporter aux élèves et de ce qu’ils m’apportent. Heureux de rejoindre une équipe éducative qui fait pour le mieux, avec les moyens du bord.

La mort de Samuel Paty achève cette lente évolution. L’horreur de l’acte chasse les états d’âme, oblige à prendre ses responsabilités.
Je suis et resterai un prof, acceptant une bonne fois pour toutes pleinement ma fonction, heureux et fier de l’exercer.
Mercredi soir j’ai aussi entendu Macron dire : « Nous continuerons, professeur ».
Continuer à quoi ? A démanteler l’Éducation nationale en privilégiant une logique comptable et une gestion managériale ?

Nous, profs, nous continuerons, oui.

Pour ce qui est de vous, nous ne nous faisons plus aucune illusion, et c’est sans doute ce qui est le plus grave et douloureux dans la situation actuelle. Je ne reposterai pas ici le dessin que j’ai fait au lendemain de l’assassinat, mais en entendant ces mots de mercredi soir, je n’ai ressenti qu’une profonde lassitude teintée de dégoût.
Au fil des décennies, nous avons appris, comme tout le monde, à ne plus porter aucun crédit à la parole politique, à ces beaux discours qui ne sont pas suivis d’actes, ou bien d’actes contraires à la parole donnée.
Cette dichotomie entre la parole et les actes, cette négation de la politique au sens de pratique visant à améliorer la vie en société, est une catastrophe et la principale source des maux que nous sommes les mieux placés, avec quelques autres corps de métier, pour observer. Quant à tenter d’y remédier ? L’école ne peut pas tout, mais ses enseignants essayent de faire ce qu’ils peuvent et c’est déjà beaucoup.

L’article 1 de notre Constitution dit ceci :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Vaste programme.
Commençons par faire corps.
Nous profs serons là à la rentrée, avec une idée plus claire, ravivée, de notre mission.

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J’irai cracher sur vos tombes

À tous ceux qui, parfois sans se l’avouer, souvent sous cape, se réjouissent de ce qui s’est passé hier en fin d’après-midi à la sortie d’un collège,

parce que allahakbar

parce qu’on va enfin l’avoir cette bonne petite guerre civile

parce qu’on va enfin pouvoir mettre tous ces bougnoules dehors

parce que tous ces gauchiasses de profs l’ont bien mérité, ces collabos

parce qu’ils l’ont quand même un peu cherché, non ? en ne respectant pas le prophète / les croyances d’une part discriminée de la population

Je dis : crevez de votre belle mort, les saloperies ont souvent la vie dure. Crevez de vos passions morbides, de votre bêtise crasse.

La vie continue, l’école de la République laïque est debout

L’heure du dernier recours n’est pas encore venue.

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Hommage à James Reese Europe

à l’occasion du centenaire de sa mort
une vidéo des dernières planches de Jazz Lieutenant
une bande dessinée que j’ai scénarisée,
mise en images par Erwan Le Bot (dessins) et Jiwa (couleurs)
et parue aux éditions Locus Solus en septembre 2018
sur une musique de Max Roach, « the drum also waltzes »

https://www.locus-solus.fr/product-page/jazz-lieutenant

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Charlie aura de la compagnie

texte publié le 10 janvier 2015 sur le site de Brest en Bulle pour annoncer la création de la revue Casier[s]

Une revue va naître à Brest. Une revue faite par des auteurs de BD pour parler de leur ville.

Ce projet a été initié bien avant le funeste 7 janvier 2015 et l’annonce officielle de son lancement était prévue ces jours-ci : la 2e réunion, programmée de longue date, a eu lieu hier soir et en constitue le véritable acte fondateur.
Le collectif que nous avons réuni à l’initiative de Gwendal Lemercier, Gildas Java, Briac Queillé et Josselin Paris entend renouer dans notre cité avec le plaisir de la création commune qui a animé naguère Les Violons Dingues, puis le projet d’exposition et d’album nommé Brest en bulles en 2009.

Bien sûr cette annonce prend une résonance particulière dans les moments difficiles auxquels nous sommes confrontés.
Il nous a semblé que cela avait un sens de publier un faire-part de naissance de ce genre à l’heure où des fous furieux prétendent supprimer dans notre pays l’usage du libre arbitre, la création pacifique et la célébration de la vie qui se fout de tous les dogmes.
Certes, cette revue n’aura pas comme visée principale la satire politique, mais ses créateurs partagent un goût prononcé pour ces libertés fondamentales pratiquées avec talent et courage par la bande de Charlie Hebdo à qui ils rendront hommage lors du prochain festival de Loperhet.
Vous serez tenus régulièrement au courant de l’avancement de cette aventure collective qui commence.

En attendant, nous vous donnons rendez-vous demain dans la rue, crayons à la main, pour saluer l’avant-garde joyeusement iconoclaste décimée mercredi. Je gage qu’il ne sera pas difficile de trouver Charlie dans cette foule que l’on espère la plus massive possible.

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I wanna be a part of you

3 novembre 2013

Il est 5h et Broadway ne donne pas de signes de fatigue.

Température fraîche attendue (autour de 5°) mais ciel clair.

Je vais prendre un car pour Staten Island.

See you for brunch.

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ego trip

Bonne Mère, écoute-moi

En ce jour de reprise, vêtu d’un maillot du stade, j’ai fait mon jogging matinal jusqu’à un temple du ballon rond (quoi qu’on pense de l’OM), le Vélodrome en travaux, devant lequel j’ai adressé aux dieux du foot la prière suivante:
« Au nom du père (De Martigny), du fils (Momo Bouquet) et du simple d’esprit (Frank « bolosse d’or » Ribéry), faites que l’on revienne le plus vite possible ici taquiner les fadas, comme le fit si bien en son temps le playboy des 2 rades (Ginola) dans une tunique aussi rouge que la mienne aujourd’hui ! »