Le 11 septembre 2020, un pigiste de Ouest-France nous prenait en photo, moi et ma compagne da viken, pour le lancement du festival de BD de Brest – cette photo, prise sans masque sur la passerelle du jardin des explorateurs.
On était assez contents du truc, un des très rares événements culturels à se maintenir dans le pays, au prix d’efforts, de tensions, d’angoisses continus, depuis le « nous sommes en guerre » de l’autre con, jusqu’à cette bouffée d’oxygène hyper réglementée.
Deux mois plus tard, l’homme qui a pris cette photo est mort sans crier gare, le 11 novembre.
Il s’appelait Rémy Talec. Je ne le connaissais pas intimement, mais sa personne m’était familière, sa silhouette d’abord, de grand échalas figé dans les années punk/cold que tout le monde avait dans l’œil à Brest ; son tempérament ensuite, mélange de timidité, d’espièglerie et de … partialité, parce qu’il avait quand même ses chapelles musicales, comme tout grand fan de musique.
Le choc a été plus que brutal, d’autant qu’il s’ajoutait à un autre traumatisme (Samuel Paty).
Dans les jours qui ont suivi sa mort, passée la sidération, je me suis dit, ou plutôt j’ai dû me résigner à penser : ma jeunesse est finie, à partir de maintenant je vais glisser, sur une pente de plus en plus raide, vers l’extinction.
Rémy : tu incarnes ça pour moi ; je t’ai pleuré, mais en fait j’ai pleuré sur mon sort.
Je te salue, camarade, dans la mort.